Au sommet des neiges éternelles, là où l'air manque à l'homme pour qu'il puisse réfléchir ou respirer convenablement, dans ces vents glacés que nul obstacle ne saurait contrôler, un léger rayon de soleil traversa la nuée et brilla quelques instants sur la montagne.

   De cette lumière fugace naquit une goutte cristalline, plus pure que la plus pure des eaux qui eut existé en ce bas-monde. Et cette goutte, cette perle d'une douceur et d'une transparence incomparable glissa paresseusement le long des parois de la montagne, suivie par sa soeur, puis par une autre encore, toutes jumelles et pourtant toutes différentes, de sorte que la roche perdit de sa rigueur à chaque nouvelle larme qui naissait en son for intérieur.

   De toutes ces filles du Ciel et de la Terre, égales et impassibles, des pans entiers de la matière disparurent, dissolus dans un larmoiement incessant et muet, durant des temps immémoriaux. Un lac enfin se forma, et la végétation alentour s'en trouva plus forte, plus vivace. De la douleur inévitable apparaissait la vie, brute et inconsciente, jeune encore du voyage qu'elle avait accompli.

   Une femme alors sortit des eaux, ou tout du moins c'est ce qu'il lui sembla, tant elle paraissait nouvelle en ce lieu peuplé uniquement de ces larmes qui jamais ne cessent de tourmenter et de trahir, qui par leur inconscience et leur jeunesse d'âme, et bien que pleines encore de bonnes intentions, réduisent en poussière le moindre rocher qui les rencontre, tout-puissant fut-il.

   Cette dame du lac, car c'est ainsi qu'on la nomma plus tard, cette femme toute de savoir et de compassion lui sourit, et la vie en fut alors plus lumineuse : il comprit que toutes ces filles de larmes, ces destructrices inarrêtables avaient doucement gratté et poncé son esprit afin de préparer et recevoir cette divine rencontre.

    L'histoire qui s'en suivit ne nous concerne pas...